Atelier d'écriture Semaine 4

  • Les amis et proches de Jean-Paul Degache
  • La vie en prison

Aujourd'hui, nous vous proposons deux articles que Jean-Paul a écrits sur l'agriculture actuelle et ses conséquences.  Bonne lecture !

 

Une présidente pas dans son assiette (29/10/2010)

 

Pouvons-nous faire confiance à ceux qui édictent les normes nous garantissant une nourriture saine dans nos assiettes ? Le doute était déjà présent mais il s’installe encore plus depuis que nous avons appris que Diana Banati, présidente du conseil d’administration de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), faisait aussi partie du conseil d’administration d’une association regroupant les plus grandes entreprises de l’industrie alimentaire, l’International Life Science Institute (ILSI).

Merci qui ? Merci José Bové ! Le député européen, vice-président de la commission agriculture du Parlement européen, a révélé ce sérieux conflit d’intérêt. Il a déclaré : « l’EFSA n’a pas d’autonomie. Elle est inféodée aux lobbies. Son mode de fonctionnement doit être revu de fond en comble ». Mme Banati a caché le fait qu’elle côtoyait, au sein de l’ILSI, les représentants des dix plus grandes entreprises comme Kraft Foods, Nestlé ou Danone. Cette scientifique hongroise, spécialiste des questions d’alimentation, fait partie de l’EFSA depuis 2006 et en est la présidente depuis 2008. Parmi ses attributions, cette autorité a une mission d’expertise auprès de la Commission européenne en matière de produits alimentaires dont les fameux OGM, les organismes génétiquement modifiés. L’ILSI, fondé aux Etats-Unis, regroupe plus de 400 entreprises et vise à « améliorer la santé et le bien-être du public en rassemblant des scientifiques de l’université, du gouvernement et de l’industrie, dans un forum neutre ». Son financement est assuré par l’industrie, les gouvernements et des fondations. Or, parmi ses membres, on trouve des géants comme Monsanto, BASF, Bayer ou Syngenta, grands pourvoyeurs d’OGM. C’est en réalité un lobby qui cherche à influencer les décisions politiques avec, entre autres, à son actif, une action en faveur des fabricants de tabac pour affaiblir les initiatives de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Cette dernière, en 2006, a exclu l’ILSI des organisations pouvant participer à ses activités.

De plus, l’ILSI travaille sur des plantes transgéniques et intervient dans les évaluations de l’EFSA. Bien que Mme Banati affirme qu’il n’y a pas de conflit d’intérêts, la suspicion est là et les ministres européens de l’environnement ont demandé « un renforcement de l’évaluation environnementale des OGM ». Cette remise en cause sérieuse de l’indépendance de l’EFSA affaiblit la Commission européenne et ne peut manquer de nous interroger sur la qualité de ce qui arrive dans nos assiettes.

 

A Barjac, dans le Gard, une utopie devient réalité (29/10/2010)

 

nos enfants nous accuseront,0Située aux confins du Gard et de l’Ardèche, la commune de Barjac se fait connaître en 2008, grâce au film de Jean-Paul Jaud : « Nos enfants nous accuseront ». Ce documentaire-choc détaille le combat d’une municipalité contre les pesticides afin d’imposer des produits bio à la cantine scolaire et à la maison de retraite.

Hélas le problème de l’approvisionnement se pose déjà comme un peu partout en France : manque de volailles et de farine, par exemple. Aussi, lorsqu’une imposante ferme de 120 hectares, La Grange des Prés, est à vendre, Edouard Chaulet, le maire de Barjac, 1533 habitants, ne veut pas laisser passer cette occasion unique.

En France, nombreux sont les jeunes agriculteurs qui veulent s’installer mais qui abandonnent leur projet parce qu’ils n’ont pas de terre à cultiver. A Crest (Drôme), existe une association, Terre de liens, dont l’objectif est d’aider à l’installation des cultivateurs bio par l’intermédiaire d’un montage financier basé sur « un actionnariat citoyen et concerné ». Le président de cette association, Sjoerd Wartena, est clair : « La politique agricole commune pousse sans cesse nos agriculteurs à l’agrandissement et à la spéculation. Ces grandes exploitations  intensives détruisent le paysage, rendent les terres stériles, l’eau imbuvable. Nous avons besoin d’une agriculture diversifiée et de proximité, pas de milliers de tonnes de céréales ! » En partenariat avec une banque solidaire, la Foncière terre de liens (4700 actionnaires, 12,5 millions d’euros de capital) collecte des fonds auprès de particuliers ou d’entreprises afin d’acheter ou de louer des terres. L’argent placé est récupérable à tout moment mais c’est avant tout un acte militant car aucun dividende n’est distribué. L’action est revalorisée suivant l’inflation et les souscripteurs peuvent bénéficier d’avantages fiscaux à condition de conserver l’action pendant au moins cinq ans. Aujourd’hui, 45 paysans (35 ans de moyenne d’âge) ont pu s’installer ou poursuivre leur activité et 26 exploitations achetées revivent.

Avec le soutien du département et de la région, le maire contacte Terre de liens et rêve déjà d’une ferme bio de 120 hectares… Il faut un million et demi d’euros pour acquérir le domaine, restaurer la ferme et réaliser d’autres aménagements. Terres de liens propose que ces terres soient exploitées par des agriculteurs motivés non seulement par le biologique mais aussi par le travail d’équipe. Les bêtes fourniront l’engrais. Les outils, les droits d’eau et les bâtiments seront mis en commun et il faudra s’entendre pour la rotation des cultures. Enfin, deux ans seront nécessaires pour obtenir la certification bio.

Alors que le prix moyen à l’hectare est de plus de 6000 euros dans le Gard, les paysans de la Grange des Prés louent la terre 50 euros l’hectare par an puis cela passera à 73 euros en 2012.

Tout a été bouclé le 30 avril dernier. Cinq agriculteurs ont été choisis par Terre de liens parmi une dizaine de candidats. Un montpelliérain de 34 ans, Frédéric Gasset, qui ouvre une boulangerie à proximité de Barjac, va cultiver lui-même son blé. Un jeune couple va élever des volailles. Un autre couple produira du fourrage pour son élevage de chèvres et deux agriculteurs de Barjac sèmeront de l’engrais vert pour préparer de futures plantations notamment consacrées au maraîchage. La Grange des Prés, ancienne ferme céréalière, devient ainsi une exploitation consacrée à la polyculture et à l’élevage pour la vente en circuit court.  

Bien sûr, tout le monde n’est pas d’accord avec ce montage réussi car quelques agriculteurs de Barjac lorgnaient vers ces terres mises en location. Terre de liens oblige l’agriculteur à être locataire ce qui est difficile à accepter pour un paysan traditionnel attaché au lopin qu’il cultive et qui, souvent, lui a été transmis par sa famille. Mais, quand on sait que, chaque semaine, en France, 200 fermes disparaissent, il est peut-être temps de mettre au point un autre système… comme une utopie qui deviendrait réalité.

Jean-Paul  

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