Extrait d'un courrier envoyé à Jean-Paul : "Que d'impuissance dans les mots que l'on peut écrire..."

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  • La vie en prison

Nous vous proposons ce mercredi de lire un extrait d’une lettre adressée à Jean-Paul. Celle-ci fut écrite dans le cadre de l’opération 300 jours - 300 courriers. Sachez que ce courrier fut, dans un premier temps, retourné à son expéditeur puisqu’il contenait une revue. Nous vous rappelons que, pour faire passer des magazines, des livres et des CD à Jean-Paul, il est préférable de nous contacter. Nous publions ces lignes en accord avec son auteur que nous tenions à remercier sincèrement. N’oubliez pas que vous pouvez nous envoyer les extraits de courriers que Jean-Paul vous a écrits afin de les publier. Merci.


Extraits d’une lettre écrite le 25 novembre 2010

 

Cher Jean-Paul,

 

Que d’impuissance dans les mots que l’on peut écrire… Que de difficultés à tenter d’apporter un peu de soutien à celui qui vit ce qu’il n’aurait jamais dû connaître tant sa vie est faite d’altruisme et de dévouement… Que d’éloignement aussi entre celui coincé entre quatre murs et celui qui, comme moi, se plaint sans cesse de passer sa vie sur les routes pour son travail, pour sa famille… Comment dire l’émotion qui étreint chacun face au malheur de l’autre… C’est pour tout cela que jusqu’à aujourd’hui, je ne m’étais pas lancée dans un courrier tant l’abîme qui nous sépare me semblait impossible à franchir et presque indécent…

 

Mais le challenge des 300 courriers pour 300 jours de détention m’a motivée pour tenter de passer outre ma gêne, ma peur de tenir des propos décalés par rapport à votre situation.

 

Ainsi, déjà 300 jours se sont écoulés entre le tribunal de Nîmes et la prison de Maguelone. En réunion professionnelle à Nîmes l’avant-veille du verdict, j’étais passée au tribunal… l’ambiance y était pesante… j’en étais ressortie extrêmement émue. Je croyais connaître le dossier raconté par un proche lorsque j’allais lui rendre visite… mais j’ai vu aujourd’hui sur le blog de soutien, le reportage de M6 et l’émotion m’a atteinte. Je n’aime pas, par principe, ce type de reportage. Dans celui-ci un aspect de l’affaire m’a particulièrement interpellée. Les témoignages des plaignantes m’ont atterré: ne rien dire aux parents ? Comment est-ce possible qu'aucune n'ait rien dit ? ...c’est sans doute plus dans le huis clos familial que dans la lumière d’une salle de classe que la terreur devait régner pour qu’une fille ne soit pas capable de parler à une mère ! Une clé du problème est peut-être là : alors, c’est sans doute une délivrance que de trouver un bouc émissaire … A moins d’être dans l’affabulation complète, et c’est sans doute ce qui a pu se produire pour certaines, car la parole de l’enfant est loin d’être vérité et leur monde imaginaire, loin des images d’Epinal.

 

La subjectivité de la justice humaine est une chose évidente. De Giordano Bruno à l’affaire Dreyfus, jusqu’aux couloirs de la mort américains où errent de nombreux innocents, on sait à quel point la justice humaine a du mal à être impartiale.

 

L’aboutissement de tous ces dysfonctionnements inhérents à une société malade dans son collectif, c’est un homme seul assumant, en bouc émissaire, les incompétences de tous … on a vraiment du mal à sortir des comportements primaires !

 

Mais je vous replonge dans cette histoire de fou … je savais bien que j’aurais du mal à vous écrire ... Pour vous, l’heure ne doit plus être à tout ça. Il faut survivre dans l’univers carcéral. Avec le sport, visiblement moins fréquent à Maguelone qu’à Nîmes … mais quand même ! C’est en effet un bon moyen de se vider ! Et dans la cellule ? Des exercices sont-ils possibles ?

 

Ce temps de prison, ce peut être aussi un temps pour apprendre à être en paix avec soi-même. Soit par une forme d’introspection constructive : j’ai entendu l’autre jour sur France Culture une interview d’Ingrid Betancourt qui expliquait comment elle avait appris la capacité à se rassurer en se ressourçant en elle-même. Elle n’avait elle, aucun lien fixe auquel se rattacher pour se rassurer puisque son mode d’incarcération était le nomadisme permanent. Je n’ai pas lu son livre, qui, si j’ai bien compris, fait plus ou moins polémique, mais le témoignage que j’ai entendu dans ma voiture en allant au travail, m’a ce jour là, vraiment stupéfaite. Elle est parvenue par un travail sur elle-même à apprendre à se réassurer en positionnant sa vie au-delà de sa piètre situation matérielle. Elle a appris à ne plus avoir peur. Cela m’a rappelé un bouquin lu quand j’étais gamine, vers 14 ans, et que je relirais volontiers à nouveau tant il m’avait marquée à l’époque. Il s’agissait du journal de voyage d’Alexandra David Neel ou comment elle parvenait à dépasser ses difficultés matérielles et affectives par un travail sur elle et ce, sans tomber dans l’extatisme virtuel du bouddhisme qui l’entourait, en conservant les pieds sur terre et la capacité à surmonter ses difficultés.  

 

Ce temps de prison peut aussi être, à l’inverse, par une forme d’ouverture à un autre monde, l’occasion d’un apaisement avec sa condition du moment.

 

Bien amicalement,

Pascale

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